Concilier les enjeux de sécurité, d’exploitation et d’entretien des canaux

La problématique relative aux espèces protégées, notamment les castors, prend de plus en plus d’ampleur au sein des Voies Navigables de France (VNF). Ce rongeur avait quasiment disparu en France à la fin du XIXè siècle. Depuis 1968, c’est une espèce protégée.

Depuis 2015, VNF agit en partenariat avec l’Office français de la biodiversité (OFB), la DREAL (région Grand-Est), et le monde associatif pour préserver le Castor. VNF fait partie du comité de pilotage du Plan régional d’Actions en faveur du castor sur la région Grand Est. Il s’agit d’un document de cadrage du suivi et de la gestion du castor. Une fiche action spécifique est pilotée par VNF. Il s’agit de prendre en compte le castor dans le cadre des activités de VNF afin de concilier les enjeux de sécurité, d’exploitation et d’entretien des canaux et des cours d’eau navigués avec la préservation de l’espèce et savoir comment agir.

Pour certains travaux (chômage, restauration de berges, …), sa prise en compte doit se faire en amont. Ces travaux peuvent nécessiter des autorisations réglementaires soumises  à des délais d’instruction pouvant être d’un an.

Si la présence de l’espèce n’est pas détectée à temps, il y a risque de blocage et report des travaux, mais aussi un risque juridique si l’espèce n’a pas été détectée et que les travaux sont réalisés, ou en cours de réalisation. En effet, en vertu de l’article L 415-3 du code de l’environnement, une amende de 150 000 euros et une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de 2 ans peuvent être encourues en cas d’atteinte à une espèce protégée ou à son habitat.

Eviter et réduire tout potentiel impact sur le Castor

Pour ne pas perturber le castor, sur les sites où un gîte est présent, VNF programme ces travaux en dehors de la période de rut jusqu’au sevrage des petites. Lors des travaux, les gîtes sont matérialisés avec de la rubalise : il n’y a pas d’intervention dans un rayon de 20 à 30 m autour des gîtes. Des batardeaux peuvent être mis en place et un pompage effectué pour maintenir l’immersion des entrées de gîtes. Des passerelles provisoires peuvent également être installées pour permettre la remontée des berges pendant les périodes de chômage des canaux

Quand cela est possible, notamment lorsque les gîtes ne sont pas de nature à remettre en cause la sécurité des ouvrages hydrauliques, des mesures d’évitement sont systématiquement mises en œuvre. 

Préserver l’espèce mais aussi la sécurité et la ressource en eau

Le Castor est le plus gros rongeur d’Europe. Il est exclusivement végétarien. Il consomme aussi bien l’écorce, les feuilles, les jeunes pousses, les hydrophytes, les fruits, les herbacées. Il est opportuniste et consomme de nombreuses espèces d’arbres différentes selon les disponibilités. Il préfère toutefois le bois tendre (saule et peuplier), il peut également consommer des pommes et du maïs. Un adulte a besoin d’environ 2 kg de matière végétale ou 700g d’écorce par jour. Il coupe des branches dont il utilise les feuilles et l’écorce pour se nourrir.

Au printemps et en été, le castor se nourrit de verdure, mais en automne et en hiver, l’absence de feuille l’amène à consommer l’écorce des arbres qu’il abat. Il consomme de préférence des saules et autres arbres à bois tendres (peupliers, bouleaux…), mais peut s’attaquer à toute essence d’arbres. C’est pendant ces périodes que les chantiers d’abattage d’arbres sont les plus visibles. Sur les secteurs où la présence de castor est avérée, les arbres sont vulnérables et les chutes d’arbres accentuent le risque pour les usagers du canal, les riverains, ou les biens situés à proximité, en créant des embâcles susceptibles d’occasionner des dégâts aux bateaux.

La présence d’un gîte en configuration digue est très impactant pour la stabilité de l’ouvrage, qui est construit pour résister à la pression de l’eau (retenue dans le canal). Le gîte en digue constitue une cavité dans la structure de l’ouvrage, qui le fragilise et provoque des fuites sur le talus aval et un risque de rupture à terme et pour la sécurité publique. Lorsqu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, VNF peut être autorisé à déroger aux interdictions de destruction de site de reproduction ou d’aires de repos en raison de l’intérêt public majeur

Des aménagements dédiés pour préserver le Castor

Création de gîtes de substitution

Parmi les mesures de compensations mises en place, VNF a créé des gîtes de substitution.

En 2020, un gîte de substitution a été créé sur le canal des Vosges en collaboration avec l’OFB. VNF s’est appuyé sur l’expérience acquise lors de la construction des premiers gîtes artificiels créés par VNF en 2015 afin d’améliorer sa conception. Mission réussie : alors que le premier gîte ne présenter que des traces d’utilisation par le castor, le second a présenté la trace de son installation dès 4 mois après les travaux !

Aménagement pour diminuer la mortalité des castors due aux collisions routières en lien avec la proximité de la voie d’eau

Dans un contexte très imbriqué de voies d’eau et de routes sur quelques communes du bassin de la Moselle en Meurthe & Moselle (Messein à Tonnoy), les cas de mortalité de castor ne cessent d’augmenter, l’animal vivant dans les premières et empruntant les secondes.

Sur certains sites identifiés et en collaboration avec le l’Agence Française de la Biodiversité (AFB,)devenu OFB), le Centre d’études et d’Expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement (CEREMA) et le service des routes du Conseil Départemental, des aménagements ont été réalisés sur le canal des Vosges à Richardménil, aux abords de la D115, visant à empêcher la remontée des animaux.

Création de rampes

Pour assurer la continuité écologique, sur certains sites, VNF a créé des rampes permettant aux castors de sortir de l’eau. Ces rampes sont également utilisées par d’autres animaux. En plus des rampes, des aménagements en terre peuvent aussi être réalisé.

Selon leur localisation, ces rampes peuvent aussi participer à diminuer la mortalité des castors due aux collisions routières

Parfois, tout un tas d’autres mesures accompagnent la mise en place de ces rampes. Un plan de gestion en partenariat avec l’association Dole environnement sur la période 2016-2025 a été adopté afin de prendre en compte les enjeux du site de Baverans (VNF Rhône-Saône). L’ensemble des mesures sont prises pour permettre au castor de rester sur son territoire actuel et éviter la désertion du site par l’espèce à la suite des travaux effectués. Parmi ces mesures : du bouturage de saules et lutte contre l’érable negundo (espèce exotique envahissante) le concurrençant, mise en place de buses d’alimentation pour éviter un asséchement de la zone humide, restauration d’habitat et la mise en place de deux passages à faune dont une au niveau de la coulée laissée par le castor. Le castor a d’ailleurs été photographié via la caméra posée pour le suivi de la fonctionnalité de la passe !

Un projet innovant et volontaire pour la cohabitation humains-castors

Des gabions végétalisés ont été mis en place le long des quais minéralisés des grands cours d’eau de la Métropole Lyonnaise. Ce projet réalisé par l’association des Espèces Parmi’Lyon permet d’une part de reconstituer une continuité écologique mais également de sensibiliser les citadins à la biodiversité et renouer le lien entre eux et leur environnement.

Ce projet sur le Domaine Public Fluvial a été subventionné à hauteur de 10 % du montant par VNF. Le castor qui traversait le fleuve en ville, faute d’arbres pour s’alimenter, a été observé seulement 2 mois après l’installation des gabions.

Sensibilisation et formation des agents

Sur les territoires concernés un réseau interne de correspondants sensibilisés peut être mis en place (VNF Nord-Est). Les agents peuvent recevoir une formation CASTOR comme ici proposée à Valdieu (VNF Strasbourg) par l’association le Groupe d’Etude et de Protection des Mammifères d’Alsace (GEPMA) pour l’Unité territoriale Rhône au Rhin Sud. Au programme de la journée de ce 13 novembre 2024 : reconnaissance de l’espèce, indices de présence, découverte du castoréum, en salle le matin ; et l’après-midi, visite d’habitat du castor avec barrages et gîtes observés.

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