Le canal de Brienne et les Ponts-Jumeaux à Toulouse

Toulouse, une ville fluviale

Pendant des siècles, la Garonne – ‘’Garonne’’ comme on dit dans la Ville rose – était la voie principale de communication et des échanges commerciaux. A Toulouse, des Pyrénées descendaient le bois, la pierre et les denrées alimentaires. De Bordeaux remontaient les produits d’importation et les productions locales. En centre-ville, une activité portuaire se développa autour des ports Garaud, de la Viguerie et de Saint-Pierre.

Depuis le Moyen-Age, la chaussée et le moulin du Bazacle permettaient, en retenant l’eau en amont, de créer un plan d’eau où la navigation n’était plus gênée en périodes de basses eaux.

Moins d’un siècle après l’ouverture du Canal Royal du Languedoc (canal du Midi), Joseph-Marie de Saget, Ingénieur des Travaux Publics du Languedoc, lance en 1765, un programme de modernisation des ports de Toulouse. Les quais sont entièrement maçonnés. Les zones portuaires sont aménagées sur des plans inclinés pour faciliter la manutention des marchandises. Saget propose de réaliser une liaison directe entre les ports de Garonne et le port de l’Embouchure du Canal Royal du Languedoc.

Le canal Saint-Pierre ou canal de Brienne

Utilisant les fossés qui bordent les remparts de la ville, un canal de 1,5 km est creusé de 1768 à 1775. Une écluse assure la jonction entre le nouveau canal et la Garonne. Située proche de l’église Saint-Pierre des Cuisines, elle portera le nom de « Ecluse Saint-Pierre ». Au XIXème siècle, le canal Saint-Pierre prend le nom de ‘’canal de Brienne’’, en hommage à Mgr Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse (1763 et 1787), qui fut un ardent défenseur de cette jonction.

Le canal de Brienne contribue à l’alimentation du canal latéral à la Garonne et offre avec plus d’une centaine de platanes sur ses deux rives, un espace de loisirs sportifs et de promenade au cœur de la ville. En 2017, le label ‘’Arbres remarquables de France’’ a été décerné à ce double alignement, planté au XIXème siècle.

Les Ponts-Jumeaux ou Port de l’Embouchure

En sortant de la rocade pour pénétrer dans le centre de Toulouse, le visiteur ou le citadin est accueilli sur le magnifique site des Ponts-Jumeaux.

Véritable ‘’carrefour fluvial’’, le bassin des Ponts-Jumeaux assure la liaison entre le canal du Midi (XVIIème s.), le canal de Brienne (XVIIIème s.) et le canal latéral à la Garonne (XIXème s.).

Le port de l’Embouchure fut créé pour les besoins de transbordement des marchandises entre les barques du canal et les bateaux de Garonne, plus légers. A la fin du XVIIème siècle, un début de quai fut aménagé à l’amont de l’écluse de l’embouchure en Garonne. Ce  port, d’abord modeste, prit au XVIIIème siècle de plus en plus d’importance. On le nomma alors port de l’Embouchure.

Avec l’ouverture du canal de Brienne, le port de l’Embouchure est élargi à la confluence des deux canaux. Le pont qui enjambait auparavant le canal du Midi a été détruit. Deux ponts, de construction identique sont alors construits, en 1770 et 1774 par J.M. Saget, au-dessus des canaux.

Un bas-relief, en fond de scène

Entre les deux ponts, un bas-relief allégorique sculpté par François Lucas en 1775 trône devant le bassin du port. Il représente un homme barbu, symbolisant le canal du Midi, autour duquel deux jeunes génies, équipés de pioches, construisent une écluse.

Au centre du bas-relief, la Province du Languedoc tient le gouvernail d’une barque frappée d’une croix Occitane. De son doigt tendu, elle ordonne au canal de recevoir les eaux de la Garonne. Représentée par une femme tenant une corne d’abondance, elle invite aussi la rencontre de la prospérité de Toulouse et de la fertilité imagée par les riches terres agricoles, les champs de blé et de l’élevage grâce à de beaux bœufs du Lauragais.

Ce bas-relief a été taillé par François Lucas dans du marbre blanc de Carrare, venu d’Italie par la mer et acheminé en barques jusqu’à Toulouse par le canal du Midi

En 1838, l’Etat décide de la construction du canal latéral à la Garonne. En effet, le cours irrégulier de la Garonne, en période de crues l’hiver et d’étiage l’été, ne permet pas la régularité des transports. La conduite des travaux est confiée à Jean-Baptiste de Baudre, Inspecteur divisionnaire des Ponts-et-Chaussées. Le canal a été construit et livré en plusieurs sections mises progressivement en eau et ouvertes à la navigation. En 1856, le canal est achevé et relie Toulouse à Castets-en-Dorthe.

La création du canal latéral nécessite la construction d’un nouveau pont. Il sera réalisé à l’identique des deux autres, complétant un ensemble particulièrement harmonieux et élégant, avec son hémicycle de briques roses au milieu duquel brille la blancheur immaculée du bas-relief de Lucas. Pour autant, le site sera toujours désigné sous l’appellation des Ponts-Jumeaux.

À la fin des années 1970, la construction de la rocade toulousaine et de l’échangeur des Ponts-Jumeaux transformera fortement le site et ensevelira l’ancienne écluse de Garonne. Aujourd’hui, le port accueille des péniches et sert d’aire de virage aux bateaux qui transitent d’un canal à l’autre. La Mairie de Toulouse a récemment illuminé le port de l’Embouchure offrant, dès la tombée de la nuit, une scène de spectacle grandiose à l’entrée de la ville.

Les Ponts-Jumeaux ont été inscrits aux Monuments Historiques le 21 novembre 1967 et intégré, avec le canal de Brienne, sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1996 et au titre des Sites français en 1997.

Pourquoi le port de l’Embouchure ?

Si le nom d”’Embouchure” fait référence à la jonction avec la Garonne, aujourd’hui disparue, le port reste un point géographique particulier. Comme toute voie de circulation terrestre, la longueur des canaux est calculée en kilomètres. Le port de l’Embouchure est le point de départ des canaux du Midi, de Brienne et du canal latéral à la Garonne. Ce point de départ, appelé ‘’Point Kilométrique 0.00. (PK 0.00)’’ est un point de référence pour tous les guides de navigation.